Choix de la violence : Les politiques de l'UE privent les réfugiés et les migrants de sécurité et de protection, tout en encourageant la brutalité systématique

Médecins Sans Frontières (MSF) publie aujourd'hui un rapport détaillant les terribles conséquences de la crise provoquée par les politiques européennes à ses frontières et au-delà. S'appuyant sur des témoignages de première main de son personnel médical et des patients [1], le rapport « Death, despair and destitution : the human costs of the EU's migration policies » (Mort, désespoir et misère : le coût humain des politiques migratoires de l'UE) illustre l'adoption choquante de tactiques et politiques de  sanctions par l'Union européenne (UE) et les États membres de l'UE, encouragées par une rhétorique politique de plus en plus déshumanisante de la part des dirigeants européens.

Depuis la « crise » migratoire de 2015, MSF n'a cessé d'appeler l'UE et ses États membres à prendre leurs responsabilités pour répondre aux besoins urgents d'assistance et de protection des migrant·e·s et réfugié·e·s. Cependant, loin de s'améliorer, la situation tend vers une normalisation de la violence contre les réfugié·e·s et les migrant·e·s, avec des investissements importants des institutions de l'UE dans des pays tiers tels que le Niger et la Libye, où les personnes sont souvent bloquées ou renvoyées de force, et confrontées à des traitements inhumains.

Les garde-côtes libyens, qui interceptent régulièrement des personnes en mer et les emmènent dans des centres de détention en Libye, sont un exemple de ces partenariats. Les équipes de MSF ont travaillé dans certains de ces centres, entre 2016 à 2023, où elles ont observé et documenté des conditions de vie déplorables, favorisant la propagation de maladies transmissibles. En décembre 2023, MSF a publié un rapport tirant la sonnette d'alarme basé sur les propos de patient·e·s faisant état de passages à tabac, de traite d'êtres humains, d'agressions sexuelles et de torture. Entre janvier 2022 et juillet 2023, les équipes médicales de MSF dans les centres ont diagnostiqué et traité 58 cas de tuberculose et, dans un cas, ont plaidé pour la libération d'un adulte tuberculeux souffrant de malnutrition sévère, qui pesait moins de 40 kg et ne pouvait pas recevoir de soins appropriés pendant sa détention.

Des schémas similaires de violence externalisée depuis l'UE et de refus d'accès aux soins de santé de base et à la sécurité pour les migrants et les réfugiés existent au Niger, en Serbie et en Tunisie. Toutefois, cette violence est également manifeste et bien documentée au sein des frontières de l'UE.

« J'ai dit au médecin « Je veux rester ici, je demande l'asile », mais il m'a dit « Honnêtement, je ne sais pas ce qui va vous arriver », et les gardes-frontières sont venus à l'hôpital et m'ont mis en prison pendant trois heures. Après cela, je suis retourné à la frontière », explique un patient de MSF en Biélorussie.

La pratique des refoulements répétés dans des pays comme la Pologne, la Grèce, la Bulgarie et la Hongrie a été documentée par les équipes de MSF. Avec plus de 2 000 kilomètres de murs et de clôtures conçus pour empêcher les gens d'entrer dans l'UE, souvent surmontés de barbelés et complétés par des caméras de surveillance et des drones, l'architecture physique des politiques de dissuasion de l'UE cause des blessures qui sont traitées par les équipes médicales de MSF. On en trouve des exemples aux frontières entre la Pologne et la Biélorussie ainsi qu’entre la Serbie et la Hongrie. Cette architecture est complétée par diverses autorités chargées de l'application de la loi, dont les violents coups de force contre les personnes en quête de sécurité, y compris les traitements dégradants, ont entraîné des blessures physiques et des troubles de stress post-traumatique. Souvent, les personnes qui cherchent refuge en Europe ont déjà subi des violences avant d'arriver aux frontières européennes. À Palerme, en Italie, parmi les 57 patient·e·s soigné·e·s entre janvier et août 2023, 61 % ont déclaré avoir été torturé·e·s en Libye, tandis que 58 % ont déclaré avoir été soumis·e·s à la torture dans un centre de détention. Le syndrome de stress post-traumatique était très répandu parmi ces patient·e·s.

En plus de bloquer l'entrée dans l'UE par voie terrestre, les États membres de l'UE se sont également soustraits à leur obligation de porter assistance aux personnes en danger en mer. L'externalisation des responsabilités en matière de sauvetage à des garde-côtes non européens et l'arrêt des activités européennes de recherche et de sauvetage en Méditerranée ont pour conséquences tragiques et quasi quotidiennes des naufrages et des morts évitables en Méditerranée centrale.

« La décision de permettre et de promouvoir des politiques de violence et de privation à l'encontre des réfugié·e·s et des migrant·e·s, plutôt que d'envisager des solutions politiques humaines, devrait choquer la conscience collective. Au lieu de cela, nous voyons les dirigeant·e·s de l'UE doubler et même célébrer des politiques inhumaines dans des cris de ralliement politiques. Cela va directement à l'encontre des valeurs fondamentales que l'UE prétend défendre. »

  • Julien Buha Collette, responsable d'équipe opérationnelle MSF

L'UE et ses États membres doivent de toute urgence changer de cap, en appliquant des solutions significatives à la situation plutôt que de considérer les migrant·e·s et les réfugié·e·s à travers un prisme purement sécuritaire et de travailler à la déshumanisation des personnes. Cela nécessite un changement urgent et fondamental pour s'attaquer aux causes sous-jacentes des déplacements de personnes qui, depuis bien trop longtemps, entraînent des morts insensées, des blessures et des traumatismes à long terme chez les personnes en quête de sécurité et de protection aux frontières de l'UE.

[1] Plus de 20 000 consultations médicales d'urgence et plus de 8 400 personnes secourues en mer

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Djann Jutzeler Communications Officer, Médecins Sans Frontières
Djann Jutzeler Communications Officer, Médecins Sans Frontières
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Médecins Sans Frontières (MSF) est une organisation médicale indépendante et neutre. Ses missions visent à porter secours aux populations dans le besoin, victimes de catastrophes naturelles comme de conflits armés – indépendamment de leur appartenance ethnique, religieuse ou de leur engagement politique.

En 1999, MSF se voit attribuer le prix Nobel de la Paix.