MSF : Des foyers de choléra partout dans le monde
En 2022, MSF a lancé des interventions dans 10 pays face aux épidémies de Choléra
Jeudi 12 janvier 2023 — Le choléra est une maladie causée par des bactéries présentes dans l'eau contaminée. L’apparition d’épidémies comporte des causes bien spécifiques à chaque contexte. En Haïti, en Somalie ou en Syrie, des crises politiques durables ont entraîné un manque d'entretien des services d'assainissement et d’approvisionnement en eau potable. En Somalie, au Kenya et en Éthiopie, de graves périodes de sécheresse ont entraîné une pénurie d’eau. Dans des pays comme le Soudan du Sud ou le Nigeria, ce sont en revanche des inondations et l'absence d'écoulement de l'eau pendant plusieurs mois qui ont favorisé la propagation du choléra. Les mouvements de population peuvent également être à l'origine de la propagation de la maladie, car les hébergements de migrants et réfugiés, souvent précaires, souffrent régulièrement de manques d’eau potable. L'an passé, des épidémies se sont ainsi déclarées dans des camps au Liban, en Somalie et au Nigeria.
Plus de 30 pays ont souffert d’épidémies de choléra en 2022. En réponse, Médecins Sans Frontières (MSF) a lancé des interventions dans dix pays, notamment en Haïti, en République démocratique du Congo et au Liban. En ce début d'année, les projets liés au choléra constituent toujours une part importante des activités de l'organisation.
Le choléra se matérialise par des diarrhées très fortes et parfois des vomissements, entrainant une déshydratation rapide qui peut même entraîner la mort en quelques heures. Par ailleurs, les excréments des malades contiennent de nombreuses bactéries qui peuvent se propager extrêmement rapidement si elles ne sont pas évacuées avec précaution. En termes de traitement, la réhydratation simple et rapide par voie orale ou, dans les cas les plus graves, par voie intraveineuse, permet à 99 % des patients de survivre à la maladie.
Néanmoins, des défis logistiques considérables se posent aux équipes médicales tant pour déployer les activités de prise en charge que pour mener des campagnes de prévention contre la maladie. En effet, la mise en place de centres de traitement du choléra (CTC) nécessite l’envoi d’importantes quantités de matériels spécifiques parmi lesquels des poches de liquide de réhydratation dont l’accès se raréfie à mesure que les épidémies se multiplient. À cela s'ajoute les résistances de gouvernements qui peinent à officialiser l’existence d’épidémies de choléra pour des raisons politiques.
Enfin, des vaccins efficaces existent mais ne sont pas produits en quantité suffisante pour répondre à la très forte demande actuelle. Actuellement, il n'y a qu'un seul fabricant sur le marché. Le dispositif coordonné par l'OMS, dont fait partie Médecins Sans Frontières, a réagi à la pénurie aiguë de vaccins en adaptant le protocole de vaccination. Au lieu des deux doses de vaccin initialement préconisées, les patients n'en reçoivent actuellement qu'une seule, permettant de garantir une protection à court terme pour un plus grand nombre de personnes. « De notre point de vue, il s'agit d'une situation désastreuse », témoigne Melissa Scharwey, chargée de mission à MSF. Il existe un vaccin efficace, mais il n'est pas produit en quantité suffisante ».
***
Exemples d'interventions de Médecins Sans Frontières face au choléra en 2022 :
Haïti
Une épidémie de choléra d'une ampleur alarmante en octobre et novembre 2022. Les centres de choléra de MSF étaient pleins et des milliers de patients y ont été pris en charge. Au total, environ 15 000 personnes ont été touchées par le choléra en Haïti et 300 en sont mortes.
Haïti traverse une crise politique, économique et sécuritaire. Les principales voies qui desservissent la capitale, Port-Au-Prince, sont contrôlées par des groupes armés. L'accès au carburant est trop cher pour une grande partie de la population. De nombreux établissements de santé sont fermés et la circulation des ambulances est limitée. L'accès à l'eau potable - un élément crucial dans la lutte contre le choléra - dépend de camions-citernes, qui dépendent à leur tour de l'accès au carburant et de la situation sécuritaire sur le réseau routier. Récemment, les autorités sanitaires ont lancé une campagne de vaccination soutenue par Médecins sans frontières. Le 12 décembre, le ministère de la Santé publique et de la Population a reçu 1,17 million de doses de vaccin contre le choléra de la part du Groupe international de coordination, un mécanisme qui gère et coordonne la fourniture de vaccins d'urgence aux pays en cas d'épidémie. "Nos équipes agissent en support au transport des doses de vaccin et des équipes médicales. Elles distribuent du savon et d'autres produits d'hygiène et s'occupent de la gestion des déchets", explique William Etienne, coordinateur d'urgence de Médecins sans frontières.
Accéder aux images légendées de l'intervention de MSF en Haïti : LIEN.
Liban
Au Liban, une épidémie de choléra a été officiellement déclarée le 6 octobre 2022 – il s'agissait de la première épidémie depuis trois décennies. Dans les deux mois qui ont suivi, près de 5 000 personnes infectées et 20 décès ont été enregistrés. Le pays est confronté à une violente crise économique ayant de nombreuses répercussions sur le quotidien des habitants. Les pompes à eau ne fonctionnent pas en raison des coupures d'électricité, de sorte que les gens sont obligés de recourir à des fournisseurs d'eau privés. Ceux dont les moyens sont insuffisants ont recours à des rivières et des étangs pollués. En outre, le réseau d'eau et d'assainissement n'est pas entretenu et comporte des fuites, ce qui favorise la propagation de maladies telles que l'hépatite A et le choléra.
Médecins sans frontières gère plusieurs centres de traitement du choléra et des cliniques mobiles. Les équipes médicales y ont administré près de 600 000 vaccins contre le choléra en collaboration avec d'autres acteurs internationaux et nationaux afin d'endiguer l'épidémie.
Les images légendées de l'intervention de MSF au Liban sont accessibles ici : LIEN.
Syrie
Dans le nord de la Syrie, le choléra était déjà apparu en septembre dernier – une première depuis 15 ans. On suppose que la maladie a été propagée par l'eau contaminée de l'Euphrate dans le nord-est du pays - à une époque d'énorme pénurie d'eau. À cela s'ajoutent la faiblesse des infrastructures d'eau et d'assainissement due à des années de conflit et la baisse des ressources humanitaires.
Rien que dans le nord-est du pays, les équipes de MSF ont traité 3 000 patients atteints de choléra entre septembre et mi-novembre, et 530 dans le nord-ouest. Plus de 20 % d'entre eux étaient des cas graves avec un degré élevé de déshydratation. Celle-ci était généralement due à un traitement trop tardif.
Les photos et vidéos légendées de l'intervention de MSF dans le nord-est de la Syrie sont accessibles ici : LIEN.
République démocratique du Congo
La République démocratique du Congo a également connu une épidémie de choléra avec une augmentation rapide des chiffres à la fin de 2022. Entre le 26 novembre et le 15 décembre, plus de 730 patients - dont environ un tiers d'enfants de moins de cinq ans - ont été traités dans le centre de traitement du choléra de MSF dans le camp de Munigi.
Les premiers cas de choléra confirmés ont été signalés en août à Kanyaruchinya, ce qui a incité les équipes de MSF à lancer une campagne de vaccination auprès de 6 000 personnes en septembre. Début novembre, lorsque de nouveaux cas de choléra ont été confirmés, les équipes ont mené une nouvelle campagne de vaccination, touchant 3 600 personnes afin d'enrayer la propagation. « Depuis juillet, nous mettons en garde contre les risques sanitaires auxquels sont confrontées les communautés déplacées dans la région du Nyiragongo », explique Simplice Ngar-One, coordinatrice de projet pour Médecins sans frontières. « De nouveaux déplacements massifs de personnes depuis fin octobre ont aggravé une situation déjà extrêmement précaire ». Plusieurs mois après leur arrivée dans les camps de déplacés, les personnes manquent de produits de base. Certaines personnes dorment à même le sol, sous de simples moustiquaires, le long de la route. Il n'y a pas suffisamment d'installations sanitaires, y compris des toilettes et des douches. « Compte tenu du manque de nourriture, d'abris, de latrines et de douches, toutes les conditions sont réunies pour une catastrophe sanitaire », explique Ngar-One. « L'augmentation des cas de choléra est un indicateur de la détérioration de la situation et du manque flagrant d'aide humanitaire ».
Les images légendées de l'intervention de MSF en RD Congo sont accessibles ici : LIEN.