MSF tire la sonnette d'alarme sur les réductions de nourriture pour les réfugiés soudanais dans l'est du Tchad
L'absence de financement durable et planifié de la réponse humanitaire dans les camps expose les réfugiés à des souffrances et des risques sanitaires accrus, prévient Médecins Sans Frontières (MSF), qui appelle les donateurs à revoir d'urgence leurs politiques de financement.
Les réfugiés soudanais, plus d’un demi-million, sont répartis dans de nombreux camps, situés dans la zone frontalière du Soudan, particulièrement entre les villes d’Abéché et d’Adré. Le camp d’Aboutengue abrite par exemple quelque 44 500 réfugiés, dont une majorité de femmes et d’enfants, confrontés à une forte réduction des rations alimentaires et à de mauvaises conditions de vie, en raison du manque d’abris adéquats.
Depuis le mois de février, les rations alimentaires ont été progressivement réduites. L'incertitude quant au financement a entraîné d'importantes ruptures d'approvisionnement et des retards.
« Nous prêtons une attention particulière à ces pénuries récurrentes dans les distributions de nourriture », déclare Danielle Borges, coordinatrice d'urgence pour MSF dans l'est du Tchad. « Dans le camp d’Aboutengue, MSF traite chaque mois des centaines d’enfants souffrant de malnutrition aiguë modérée ou sévère. Nous craignons que la situation ne s’aggrave si les pénuries alimentaires persistent ».
Ce camp est situé dans une zone reculée et les réfugiés ont difficilement accès aux moyens de subsistance. Cela les rend encore plus dépendants de l'aide humanitaire.
Sans nourriture ni soutien financier suffisants, les femmes doivent parcourir de longues distances à pied dans les forêts environnantes pour ramasser du bois de chauffage, ce qui est l’un des rares moyens de gagner de l’argent. « Parfois, lorsque nous sommes dans la forêt, des personnes nous menacent en disant que nous n’avons pas le droit de ramasser du bois, déplore Aziza, une réfugiée soudanaise, mère de sept enfants, qui vit dans le camp depuis juillet 2023. Certaines d’entre nous ont même été battues. »
Un fagot de branches sèches se vend entre 1 et 3 euros sur les marchés informels qui ont surgi autour du camp. « Cette activité est devenue vitale. Malheureusement, les agressions dans la forêt ne sont pas rares », explique Atsuhiko Ochiai, coordinateur de projet MSF.
À Metché, à deux heures d’Adré, la situation est tout aussi alarmante. De nombreux réfugiés survivent désormais avec un seul repas par jour. Si des distributions de nourriture ont eu lieu ces derniers mois à Metché et dans les camps voisins d’Alacha et d’Arkoum, les apports nutritionnels contenus dans les portions octroyées à chaque réfugié sont faibles.
« Le sentiment dominant est que cette crise est négligée par les principaux donateurs, explique Danielle Borges. Sans un soutien immédiat et conséquent, nous risquons d’être confrontés à une détérioration catastrophique de la situation humanitaire dans cette région. »
Depuis plus d'un an, MSF fournit des soins médicaux essentiels, de l'eau et un soutien sanitaire aux réfugiés du camp d'Aboutengue, notamment en traitant la malnutrition et en distribuant des fournitures de base comme du savon, des moustiquaires et des jerrycans. Bien qu'ils aient été relogés dans ce camp il y a 14 mois, environ 14 000 réfugiés n'ont toujours pas d'abri adéquat et continuent de vivre dans des structures de fortune dans des conditions extrêmement difficiles.
Djann Jutzeler
Alessia Neuschwander