Soudan : un rapport de MSF décrit les violences de masse contre les civils à El Fasher et à Zamzam, au Darfour du Nord

Des exactions de masse ont lieu dans la région du Darfour du Nord au Soudan, alerte Médecins Sans Frontières (MSF) dans un rapport publié aujourd'hui, intitulé « Assiégés, attaqués, affamés ». MSF appelle les belligérants à mettre fin aux violences, dont le rapport documente le caractère ethnique, ainsi qu’à faciliter une intervention humanitaire immédiate à grande échelle. MSF s’inquiète de la perspective d’une attaque de grande ampleur sur la ville d’El Fasher et du bain de sang qu’elle pourrait entraîner alors que des centaines de milliers de civils y sont bloqués.

Le conflit en cours au Soudan depuis avril 2023 s’est particulièrement intensifié depuis un an autour d’el Fasher et les civils continuent d'en être les principales victimes.

« Les civils ne sont pas simplement piégés au milieu des combats violents entre les Forces de soutien rapide (RSF), les Forces armées soudanaises (SAF) et leurs alliés respectifs, ils sont aussi activement pris pour cible par les RSF et leurs alliés, notamment en raison de leur appartenance ethnique », explique Michel Olivier Lacharité, responsable des opérations d’urgence de MSF.

Sur la base des données de MSF, d'observations directes et de plus de 80 entretiens menés entre mai 2024 et mai 2025 auprès de patients et de personnes déplacées d'El Fasher et du camp voisin de Zamzam, le rapport expose des violences systématiques, des pillages, des massacres, des violences sexuelles, des enlèvements, la privation de nourriture et des attaques contre des marchés, des établissements de santé et d'autres infrastructures civiles.

« Les patients et les communautés ont raconté leur histoire à nos équipes et ont demandé de dénoncer cette situation, leur souffrance étant largement ignorée par la communauté internationale. Nous avons estimé qu'il était de notre devoir de documenter ces violences systématiques qui ont fait d’innombrables victimes dans l’inaction générale au cours de l'année écoulée », explique Mathilde Simon, autrice du rapport.

Le rapport décrit également l’offensive terrestre massive menée par les RSF et leurs alliés contre le camp de déplacés de Zamzam en avril 2025, provoquant la fuite d’environ 400 000 personnes en moins de trois semaines dans des conditions désastreuses. Une grande partie de la population du camp a fui vers El Fasher où elle est restée piégée, hors d’atteinte de l’aide humanitaire et exposée à des attaques et à de nouvelles violences de masse. Des dizaines de milliers de personnes ont, elles, fui vers Tawila, à environ 60 km, et vers des camps situés de l’autre côté de la frontière tchadienne, où des centaines de rescapés ont reçu des soins prodigués par MSF.

« Compte tenu des violences de masse à caractère ethnique commises contre les Masalit dans l'ouest du Darfour en juin et en novembre 2023, ainsi que des récentes violences ethniques et massacres perpétrés dans le camp de Zamzam, il existe un risque réel qu'un tel scénario se répète à El Fasher, en particulier à l’encontre des Zaghawa. », déclare Mathilde Simon.

Des témoins ont également rapporté que des soldats des RSF avaient évoqué des plans visant à « nettoyer El Fasher » de sa communauté non arabe. Depuis mai 2024, les RSF ont imposé un siège quasi total à El Fasher, dans le camp de Zamzam et d’autres localités environnantes, privant la population de nourriture, d’eau et de soins. Cela a contribué à la propagation d’une famine et a bloqué la réponse humanitaire.

Les attaques répétées contre les structures de santé ont contraint MSF à mettre fin à ses activités médicales à El Fasher en août 2024 et dans le camp de Zamzam en février 2025. Au cours du seul mois de mai 2024, les structures de santé soutenues par MSF à El Fasher ont subi au moins sept incidents de bombardement ou de tirs provenant des deux camps.

Les frappes aériennes aveugles menées par les Forces armées soudanaises (SAF) ont eu des conséquences dévastatrices pour les civils. « Les SAF ont bombardé notre quartier par erreur, puis sont venues présenter leurs excuses à la population. Leurs avions ont parfois bombardé des zones civiles sans aucune présence des RSF, je l'ai vu à plusieurs endroits où il n'y avait pas de RSF », témoigne une femme de 50 ans.

Sur les routes empruntées par les personnes qui tentent de fuir El Fasher et Zamzam, les hommes et les garçons sont particulièrement exposés aux meurtres et aux enlèvements, tandis que les femmes et les jeunes filles sont victimes des violences sexuelles. La plupart des témoins font également état de risques accrus pour les communautés zaghawa. « Personne ne pouvait sortir [d'El Fasher] s'il disait qu'il était Zaghawa », déclare une femme déplacée.

Un autre homme raconte que les RSF et ses alliés « demandaient aux gens s'ils appartenaient aux Zaghawa, et si c'était le cas, ils les tuaient. » « Ils ne laissaient passer que les mères avec des enfants de moins de cinq ans », raconte une femme à propos de sa fuite vers l'est du Tchad. « Les autres enfants et les hommes adultes ne passaient pas. Les hommes de plus de quinze ans peuvent difficilement franchir la frontière [avec le Tchad]. Ils [AG6] [AD7] les prennent, ils les poussent sur le côté et ensuite nous n'entendons que le bruit des coups de feu, signifiant qu'ils ont été tués [...] Cinquante familles sont venues avec moi. Il n'y avait même pas un seul garçon de 15 ans ou plus parmi nous. »

La situation nutritionnelle catastrophique n’a cessé de se détériorer à mesure que le siège se resserrait : « [Il y a trois mois] à Zamzam, nous passions parfois trois jours par semaine sans manger », raconte un homme à MSF. « Les enfants sont morts de malnutrition. Nous mangions de l'ambaz [résidu d'arachides broyées pour en faire de l'huile], comme tout le monde, alors que d'habitude c'est utilisé pour les animaux », témoigne une femme déplacée. « Zamzam était complètement bloqué », explique une autre personne déplacée. « Les puits dépendent du carburant et il n'y avait pas d'accès au carburant, alors ils ont tous cessé de fonctionner. On avait très peu d’eau et elle était très chère. »

MSF exhorte les belligérants à épargner les civils et à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire. Les RSF et leurs alliés doivent immédiatement mettre fin aux violences ethniques perpétrées contre les communautés non arabes, lever le siège d'El Fasher et garantir des itinéraires sûrs aux civils fuyant la violence. Un accès sûr et sans restriction à El Fasher et à ses environs doit être accordé aux organisations humanitaires pour qu'elles puissent fournir l'aide nécessaire. MSF exhorte les Nations Unies et ses États membres ainsi que les États qui soutiennent les belligérants, à se mobiliser de toute urgence et à faire pression pour empêcher de nouvelles violences de masse et permettre l'acheminement de l'aide. Les récentes annonces unilatérales d'un cessez-le-feu local ne se sont pas encore traduites par des changements concrets sur le terrain.

Sudan : Report on El-Fasher.pdf

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Sudan : Report on El-Fasher - Executive Summary.pdf

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