"Voices from South Dafur" : un nouveau rapport révèle le manque flagrant de protection et d'assistance aux populations
Soudan, 04.Juin 2025 - Selon un nouveau rapport publié par Médecins Sans Frontières (MSF) intitulé "Voices from South Darfur", la violence, l'insécurité et la faim bouleversent la vie des populations du Sud-Darfour, au Soudan. Ce rapport illustre par des témoignages bouleversants comment l'impact de la violence généralisée, d'une système de santé en ruines et d'une réponse internationale inadéquate se conjugue pour pousser la résilience des populations à ses limites. Les témoignages et les données médicales contenues dans ce rapport sont issus des activités menées par nos équipes entre janvier 2024 et mars 2025.
La région du Sud-Darfour a connu d'intenses combats urbains en 2023, qui ont détruit des hôpitaux et d'autres infrastructures essentielles. La présence humanitaire, importante avant le déclenchement de la guerre civile en avril de la même année, s'est désintégrée avec l'intensification des affrontements. Bien que les combats terrestres au Sud-Darfour aient cessé pour l'instant, l'insécurité persiste, les gens étant soumis à d'effroyables violences sur les routes, les terres agricoles, les marchés et à leur domicile. Les cas de détentions arbitraires, de vols et de pillages sont également fréquents. Les frappes aériennes, y compris celles menées par des drones, continuent de frapper le Sud-Darfour et d'autres régions du pays.
Les violences sexuelles sont généralisées : nos équipes ont soigné 659 survivantes entre janvier 2024 et mars 2025. Plus de la moitié ont été agressées par des non-civils.
Une femme de 25 ans du Sud-Darfour vivant dans un camp de déplacés a déclaré à MSF : « Quand les femmes essaient de sortir du camp pour cultiver... ils vont me battre, ils vont me torturer... Il n'y a aucun moyen de sortir. La fille de ma tante a été violée par six hommes, il y a seulement six jours... Je ne me sens pas en sécurité, car si je sors je vais être violée. »
Les gens décrivent également la peur et l'anxiété qui habitent les enfants, ainsi que leurs propres sentiments d'impuissance, d'indignité et d'être pris au piège.
« Nos fermes sont complètement détruites. Mon mari a été tué il y a quatre mois. Nous n'avons plus rien », a expliqué à MSF une femme déplacée interne de 21 ans dans la localité de Beleil. « Depuis trois jours, je n'ai rien mangé... Je ne sais pas ce qui m'arrivera sur le chemin du retour. J'ai peur, car ceux qui ont tué mon mari pourraient bien me faire la même chose. »
La violence a anéanti le système de santé, et les soins adéquats ne sont tout simplement pas accessibles à la population en raison de divers problèmes aggravants : les installations ont été détruites, endommagées ou abandonnées ; le personnel soignant a fui ou travaille sans être rémunéré ; les fournitures sont inexistantes ou ne parviennent plus à destination ; et les gens peinent à se payer le transport pour accéder aux rares services de santé qui restent.
L'insécurité est intimement liée à la faim, car la menace de violence a coupé l'accès aux terres agricoles et aux revenus. Entre janvier 2024 et mars 2025, nos équipes ont soutenu des programmes au Sud-Darfour qui ont soigné plus de 10 000 enfants de moins de cinq ans souffrant de malnutrition aiguë et fourni un traitement nutritionnel à des milliers de femmes et de filles enceintes et allaitantes souffrant de malnutrition. L'arrivée imminent de la saison des pluies et de la période de soudure risque d'aggraver encore la crise de malnutrition.
Une femme de 24 ans vivant dans le camp de déplacés d'Al-Salam a expliqué à MSF : « Je dépends de ce que je trouve, au jour le jour. Si j'obtiens quelque chose, nous mangerons. Sinon, nous ne mangerons pas. C'est ça, ma vie. »
Face à la flambée des prix des denrées alimentaires, les familles sont contraintes de se contenter d'un seul repas par jour, parfois même moins.
Depuis le début de la guerre, la réponse des organisations internationales et des agences de l'ONU a été rare, incohérente et lente à atteindre la région du Sud-Darfour, comme l'expliquait une femme de 23 ans à Nyala en novembre 2024 : « Nous avons entendu dire que les organisations internationales aident les gens, mais elles ne nous apportent jamais rien. »
Des signes d'amélioration ont récemment été observés, les agences de l'ONU trouvant de plus en plus de moyens d'acheminer des fournitures humanitaires dans la région. Les ONG intensifient progressivement leur présence et leurs activités. Cependant, en raison de graves contraintes d'accès, les agences de l'ONU ne sont toujours pas présentes sur le terrain pour diriger et coordonner l'intervention, et les ONG avancent lentement et avec prudence.
Les communautés s'organisent solidairement pour surmonter les effets de la violence. Les voisins se soutiennent mutuellement et partagent leur nourriture. Des groupes de jeunes déblayent les décombres et les munitions non explosées, et achètent des médicaments pour les personnes déplacées vivant dans leur quartier. Les enseignants travaillent bénévolement dans des bâtiments pillés.
Nous avons soutenu des initiatives locales pour gérer des cuisines communautaires, fournir des repas aux écoliers et soutenir les postes de santé gérés par des bénévoles. Des établissements de santé et des réseaux d'approvisionnement en eau ont été réhabilités, et nos équipes ont mené un programme qui a fourni de la nourriture à 6 000 familles dans plusieurs localités de l'État.
« Les organisations locales au Darfour possèdent les connaissances et l'expertise nécessaires pour fournir des services essentiels. Mettre à disposition de ces intervenants de première ligne des fournitures, des financements et un pouvoir de décision contribuera grandement à sauver des vies, » explique Ozan Agbas, responsable des urgences de MSF au Soudan.
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Alessia Neuschwander